Histoire du Moulin

Ce texte est un résumé de l’histoire du moulin de Gros-Fays écrite par Yvon Barbazon
Les photos sont d’auteurs inconnus.

Le Moulin de Gros-Fays se situe au bord du ruisseau de Bonne Soc, appelé aussi le ruisseau de Gros-Fays. Entre 1600 et 1965, 26 meuniers s’y succèdent pour moudre de la farine sans discontinuité.

De 1619 à 1772, le moulin de Gros-Fays est un moulin banal sous les Lamock. C’est à dire que les paysans situés dans la Seigneurie sont obligés d’utiliser cette installation que le Seigneur a fait construire. Le meunier – qui a un bail de 3, 6, 9, 12 ans – perçoit une partie de la farine en paiement de son travail et de l’utilisation du moulin.

16 meuniers se succèdent avant la vente du moulin à Joannes Javaux en 1771 qui sera donc pour la première fois meunier et propriétaire. Par cette vente, le moulin perd son caractère « banal ». Malheureusement, 5 ans après déjà, Joannes Javaux décède et ses héritiers doivent vendre.

En 1776, François Marée, meunier près de Sedan en France, veut acheter le moulin. Mais il décède pendant la transaction. Sa veuve achète malgré tout le moulin, certainement pour respecter les dernières volontés de son défunt mari. Rapidement elle essaie de le revendre. Après plusieurs occasions manquées, les héritiers Marée ne réussissent à le vendre qu’en 1841. Pendant cette période, 6 meuniers locataires s’y succèdent.

La dernière famille locataire, les Gustin, voyant que le moulin est rentable, l’achètent vers 1841. Avec les Gustin, le moulin trouve 150 ans de stabilité ou la fonction de meunier sera reprise de père en fils.

Léon Gustin est le troisième Gustin meunier de Gros-Fays. Il développe fortement l’activité: il construit un corps de ferme en 1876 (la grange actuelle) et trace des chemins vers Bléchamps et un pour descendre à Mouzaive. Il rachète aussi les deux moulins en amont: le moulin de Bléchamps, construit vers 1790, et le moulin du Brou, presque neuf, construit en 1853. Il vit avec sa femme et ses enfants dans le moulin du Brou, et ses parents restent dans celui de Gros-Fays.
L’activité de meunerie diminue et doucement la ferme va prendre de plus en plus d’importance.

En 1901, au décès de sa mère, Léon Gustin redescend vivre au moulin de Gros-Fays, qu’il restaure avec les pierres du moulin de Bléchamps. Il récupère aussi un maximum de machine et des pierres du moulin du Brou.

Joseph, fils ainé de Léon, sera le dernier meunier. Après son mariage avec Elise David en 1910, il va habiter à Cornimont. Et descend chaque jour travailler au moulin. Au décès de son père Léon en 1923, la famille vient habiter au moulin.
Joseph ajoute une scierie au 3 meules existantes. Un bâtiment en bois est construit au nord du moulin. Il y construit également des hangars.

Joseph, de caractère taiseux et travailleur, aime son moulin et le chouchoute. Il sait tout faire dit-on: scier, moudre, rabattre les meules, réparer les roues, cultiver, forger. Il fabrique presque tout lui-même.
Bien avant la guerre de 40, Joseph a installé une génératrice électrique activée par la petite roue. La famille a ainsi la radio très tôt et la lumière brille au moulin la nuit.

Les deux fils de Joseph, Jean et Camille, travaillent avec leur père. Après la guerre, l’activité de meunerie devint très difficile. Ce n’est plus que la culture et la scierie qui les nourrissent. Malgré le courroux de leur père dans les années 1960, les fils partent travailler à la scierie de Paliseul.

Joseph décède au moulin en 1967. Quelques années avant de mourir en 1964, à l’âge de 82 ans, la RTBF a l’interviewé au moulin. Pour notre plus grand plaisir, la Sonuma nous offre cette archive.
Elise Gustin, la meunière et pilier de la vie au moulin, décède quant à elle en 1973.

Après plus de trois siècles et demi, avec le décès de ce dernier couple de meuniers, le tic-tac des roues s’est tu à jamais.

Le moulin est vendu en 1977 à André Govaert de Bruxelles. Jean Gustin et son épouse, sont revenus habiter au moulin après leur pension. Avec quelques bêtes ils gardaient les lieux.

En 2001, Marc Misotten rachète le moulin et entreprend de le restaurer.

En 2021, il nous transmet le flambeau. Aujourd’hui c’est à nous de créer un lieu qui respecte son histoire et son environnement.

Relais du maquis de l’Armée secrète pendant la guerre

En 1940, quand les Allemands arrivent au village, les Gustin n’ont pas évacué. Les fenêtres occultées, le moulin était bien caché dans les bois. La famille de cet endroit à l’écart, en profitait pour soutenir les maquisards. Ils leur cuisaient le pain, en ajoutant à la mauvaise farine du ravitaillement souvent de sa bonne farine. Ils recrutent aussi des hommes pour ce camp de maquisards installé au dessus du moulin du Brou.
Jean est arrêté sur dénonciation mais, heureusement, sa fausse carte d’identité confectionnée par le bourgmestre lui sauve la vie.
Pendant toute la guerre, les Gustin recueillent et cache aussi une enfant juive, Yéti Lasse.